Figure de l’humanisme rhénan, théologien catholique passé à la Réforme en 1529, Sebastian Münster (1488-1552) est professeur à Heidelberg, puis à Bâle où il enseigne la théologie et l’hébreu. Tout au long de sa carrière, il s’intéresse par ailleurs à l’histoire, à la géographie, à l’astronomie et à la cartographie.
La carte de l’Alsace conservée à la BUSIM, l’un de ses documents les plus anciens, est publiée pour la première fois dans la "Cosmographia Universalis", à Bâle en 1544. Cet ouvrage, qui participe de la tradition humaniste visant à une meilleure connaissance du monde, en est l’une des premières descriptions qui se veut totale. L’étendue des compétences de Münster s’y retrouve puisque sa description en six livres des différents espaces du monde mêle histoire, géographie, sciences naturelles et observations sur les différentes cultures.
Souvent rééditée (jusqu’en 1650), traduite en plusieurs langues dont le français (dès 1552), augmentée à l’occasion, la "Cosmographia" constitue un ouvrage de référence jusqu’à la fin du 16e siècle. De nombreuses illustrations, des cartes et des plans enrichissent encore le texte de Münster. Parmi ces cartes et plans, celui de l’Alsace est l’un des premiers de la région rhénane. Il s’agit d’une vue à vol d’oiseau orientée avec le nord à droite, donnant l’impression d’un regard porté sur la vallée du Rhin et les Vosges depuis la Forêt noire. On est encore loin des cartographies normées des siècles suivants, mais en dépit de l’apparente imprécision topographique, il est aisé d’identifier les principaux éléments géographiques de la région, reflet d’une connaissance de l’organisation d’un espace familier du Bâlois qu’est Sebastian Münster.
Le titre autant que le graphisme révèlent le message central de la carte : la fertilité (Fruchtbarkeit) de l’Alsace et de la vallée du Rhin. La densité du réseau hydrographique qui afflue vers le Rhin, au centre de l’image, est un élément essentiel à la richesse du territoire, ce que confirment les champs esquissés surtout côté alsacien. Parmi les nombreux cours d’eau, seuls les principaux, l’Ill et le Rhin, sont mentionnés. Dans le massif vosgien, le Leberthal est mis en avant, puisque l’exploitation de ses mines d’argent est développée plus loin par l’auteur. Les choix graphiques de Münster, aboutissant à la représentation d’un espace fertile mais peu peuplé (8 villes seulement sont figurées) et isolé, contrastent avec la réalité de l’Alsace du 16e siècle, urbanisée, dont les connexions s’étendent bien en amont de Bâle et en aval de Strasbourg, mais aussi au-delà des montagnes qui semblent ici infranchissables.
Titre : "Von dem Elsass und seiner grossen Fruchtbarkeit dem kein Landt am Rheinstrom mag vergliechen werden", Cosmographia Universalis, Bâle
Auteur : Sebastian Münster
Auteur de la notice : Benjamin Furst
Date d'édition : 1544
Lieu de conservation : Learning Center de l'université de Haute-Alsace - BUSIM, C 404