La tribune des autonomistes alsaciens des années 1930
Ce journal satirique, paru de 1928 à 1939, était l’un des médias à disposition des autonomistes alsaciens pour diffuser leurs idées et s’attaquer au pouvoir de l’administration française dans la région. Son tirage s’est établi en moyenne à une diffusion de 2 000 exemplaires. Il permettait sous un angle humoristique de remettre en cause les décisions prises par les gouvernements successifs dans un contexte de forte instabilité gouvernementale.
Dans les années 1930, la situation de la presse satirique alsacienne est assez délicate surtout après le procès des autonomistes à Colmar en 1928. Das Narrenschiff remplace le Schilffstaan, un titre frappé d’une interdiction judiciaire. En réaction à ces prises de position autonomistes d’autres journaux éphémères comme Le Cri de Strasbourg, La Flèche, dr’Schikanebuckel ou Dr Franc-tireur paraissent pour contrer leurs arguments.
Au début des années 1930, seuls Das Narrenschiff et Dr Franc-tireur animent encore le débat politique par la satire et la caricature. Cette période est par conséquent marquée par une forme de resserrement de la presse satirique alsacienne qui se concentre désormais sur deux titres dont les positions sont radicalement opposées.
Das Narrenschiff s’attaque régulièrement aux gouvernements de la Troisième République qui se succèdent rapidement en cette période. Parmi les hommes politiques régulièrement vilipendés, se trouvent en particulier Édouard Herriot, le président du conseil qui avait tenté en 1924 d’étendre à l’Alsace certaines lois adoptées en France avant 1918 comme la loi de 1905 sur la séparation entre l’Église et l’État.
Paraissant sous la direction de René Schlegel entre 1928 et 1931, puis d’Émile North jusqu’en 1939, Das Narrenschiff prend clairement position sur des thématiques politiques de droite à cette époque, avec parfois des dessins violents d’inspiration antisémite. Le titre se caractérise également par une certaine francophobie. Il est publié durant des années marquées par divers débats et scissions entre les autonomistes alsaciens.
Das Narrenschiff, lors de cette même période, choisit plutôt de dénoncer les décisions prises par les gouvernements successifs de renforcer la défense des frontières. Le journal fustige ainsi régulièrement la ligne Maginot ou présente une Alsace recouverte d’armements divers par un soldat français. Le « Beau jardin » fait éclore obus, grenades et autres fusils.
La revue dénonce la situation économique : au moment où la France est frappée de plein fouet par les conséquences de la crise de 1929, les gouvernements se lancent dans des politiques de militarisation plutôt que de choisir de soutenir l’industrie de la région. Dès lors, l’accent n’est pas mis sur une menace grandissante que constituerait l’Allemagne hitlérienne, mais plutôt sur les erreurs politiques d’une France qui, trop absorbée par sa crainte d’une nouvelle guerre, privilégierait sa politique de défense au détriment du développement économique de l’Alsace. Cette position n’est pas spécifique à la Narrenschiff, elle est partagée par une partie de la droite politique de cette époque.
Le journal interrompt sa parution en août 1939 quelques jours avant le déclenchement de la Seconde Guerre mondiale.
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Auteur : Jérôme Schweitzer
Bibliothèque nationale et universitaire, M.400.278
Das Narrenschiff, 1928-1939