L’histoire des champignons de la France est un ouvrage majeur de mycologie, réalisé par le botaniste français Jean Baptiste François Pierre Bulliard (1752-1793). Il fait partie d’une œuvre plus vaste entreprise par ce dernier, L’Herbier de France, mais en constitue l’élément le plus intéressant du point de vue des découvertes scientifiques.
Né en 1752, Pierre Bulliard fait ses études à Langres avant de travailler un temps à l’abbaye de Clairvaux où il s’initie aux sciences naturelles. Puis il part à Paris en 1775 pour poursuivre ses études de botanique et de médecine. Là, il se lance dans son premier travail éditorial : Flora parisiensis ou Figures des plantes qui croissent aux environs de Paris. L’ouvrage, très inspiré de recueils existants mais dans lequel Bulliard relève notamment quelques erreurs d’observation de Linné, est illustré de 640 planches en couleur et la publication de ses six volumes s’étale de 1776 à 1783.
Alors qu’il termine ce premier ouvrage, Bulliard s’attelle dès 1780 à sa plus grande œuvre, l’Herbier de France ou Collection complète des plantes de ce royaume, qui détaille les propriétés et les usages médicinaux des « plantes indigènes » de France. De ce travail ambitieux seules deux parties voient finalement le jour : L’Histoire des plantes vénéneuses et suspectes parue en 1784, et L’Histoire des Champignons de la France ou Traité élémentaire renfermant dans un ordre méthodique les Descriptions et les Figures des Champignons qui croissent naturellement en France dont la publication commence en 1791 et sera terminée en 1809 par Étienne-Pierre Ventenat.
C’est dans cette partie que Bulliard apporte de nouveaux éléments scientifiques et propose une nomenclature en mycologie, car il n’en existe alors pas de correcte, ce qui fera de lui une figure majeure de cette science en France.
Cette œuvre a pour but de faciliter l’étude des champignons de façon pratique. Bulliard s’attache donc à montrer les similitudes et les différences entre espèces de manière à bien guider l’amateur pour distinguer, par exemple, « deux productions qui ont entre elles quelques rapports, quelque ressemblance, mais dont l’une peut être employée avec sécurité comme aliment, comme médicament, ou à quelqu’autre usage domestique, tandis que l’autre serait employée sans succès comme médicament, ferait un mauvais aliment et pourrait même devenir un poison terrible » (Préface du volume 1, p. vii).
Selon les espèces, Bulliard cite également les auteurs qui les ont déjà étudiées et dessinées. Dans le premier volume figurent enfin deux planches présentant de nombreuses observations microscopiques sur les organes de la « fructification » des champignons.
La difficulté de bien connaître les champignons à l’époque tenait à ce que, à l’inverse des fleurs, fruits, feuilles, racines, etc. qui pouvaient être observés longtemps et que l’on pouvait facilement transporter, dessécher et conserver en herbier, le champignon est souvent éphémère et fragile. Il était donc d’autant plus important pour les scientifiques de faire une description exacte – et idéalement un dessin précis – de tous ses états possibles. Bulliard s’y attelle avec beaucoup de minutie comme on peut le constater par exemple sur la planche ci-contre de la capilline typhoïde, aujourd’hui comatricha typhoides (vol. 2, pl. 477).
L’œuvre de Bulliard est représentative de sa volonté d'une diffusion plus large des savoirs scientifiques, par son contenu mais surtout par ses choix d'impression. Formé à l’aquarelle et à la gravure par Pierre Martinet, l’illustrateur de Buffon et notamment de son Histoire naturelle des oiseaux, Bulliard commence par illustrer son premier ouvrage, la Flore parisienne, par des gravures délicatement coloriées à la main. Mais de tels ouvrages illustrés sont chers et ne peuvent donc être acquis par tous les amateurs de la science botanique.
Il se tourne donc vers un procédé d’impression développé au siècle précédent : l’encrage à la poupée. Cette technique mise au point par Johannes Teyler, et popularisée notamment au début du XIXe siècle par Pierre-Joseph Redouté (surnommé « le Raphaël des fleurs » pour la beauté de ses illustrations florales), permet une reproduction en couleurs en un seul tirage contrairement au procédé nécessitant un passage sous la presse pour chaque couleur utilisée. L’encrage dans différentes couleurs, qui se faisait avec un petit tampon (« poupée ») ou avec un pinceau, doit être répété pour chaque tirage mais cette solution permet d’éviter des retouches à la main. Les coûts d'impression et de vente en sont donc réduits.
L’exemplaire conservé à l’Université de Strasbourg est formé de trois volumes dont deux de planches (173 pour le volume 2 et 198 pour le volume 3), reliées dans l'ordre de leur description dans le texte. Deux planches d’observations microscopiques se trouvent par ailleurs dans le premier volume. Ce dernier est annoté, et la mention « Hugo Mohl 1831 » inscrite à la main sur chaque volume semble indiquer que l’ensemble appartenait à Hugo von Mohl qui fut professeur de botanique à l’université de Tübingen entre 1832 et 1872.
Pierre Bulliard et Étienne-Pierre Ventenat, Histoire des champignons de la France, ou traité élémentaire renfermant dans un ordre méthodique les descriptions et les figures des champignons qui croissent naturellement en France. 3 volumes. Paris : L’auteur, Barrois, Belin, Croullebois, Bazan, 1791-1809. Cote H 18.517 (Collection Bnu en dépôt à l'Université de Strasbourg)
Marie Boissière
Service des bibliothèques de l'Université de Strasbourg