L’exemplaire de L’observation de M. de Trebra sur l’intérieur des montagnes conservé à Strasbourg met en lumière les pratiques savantes de deux Alsaciens du siècle des Lumières : Philippe-Frédéric de Dietrich (1748-1793) qui a traduit en français et complété un traité de minéralogie publié quelques années plus tôt en Allemagne et Jean Hermann (1738-1800) qui, comme à son habitude, a, au gré de sa lecture, enrichi le volume de ses notes, commentaires et questions.
La minéralogie des Lumières
Friedrich Wilhelm Heinrich von Trebra (1740-1819) est directeur général des mines du Hanovre lorsqu’il publie, en 1785, son Erfahrungen vom Innern der Gebirge. Cet ouvrage met en lumière les liens très étroits qui, au cours de la seconde moitié du 18e siècle, unissent les progrès de la minéralogie et l’essor de l’exploitation minière. Les planches qu’il contient illustrent l’évolution du regard que les hommes des mines portent alors sur la Terre et l’enjeu que représente pour eux l’identification des strates. Elles sont très représentatives de l’engouement pour la géognosie qui, en particulier dans l’espace germanique, s’attache à l’étude des masses minérales composant le globe terrestre, à leur évolution, à leur localisation et à leur composition.
Deux ans après la publication du livre de Trebra à Leipzig, Philippe-Frédéric de Dietrich (1748-1793), membre de l’académie royale des Sciences et chargé de visiter les principales mines du royaume, fait paraître une version française de l’ouvrage en l’enrichissant de plusieurs textes censés mettre en perspective les progrès de la minéralogie survenus au cours des années 1780.
Un exemplaire singulier
L’exemplaire conservé dans les collections patrimoniales du Service des bibliothèques de l’Université de Strasbourg porte l’ex-libris du naturaliste Jean Hermann, et les annotations qu’il contient sont de sa main.
On en trouve notamment sur les deux premières planches insérées à la fin du volume. Hermann a pris soin de situer géographiquement les deux coupes stratigraphiques, il a également indiqué la nature des couches représentées à partir des éléments figurant dans le texte, enfin il a collé sur la page une languette de papier contenant l’une des questions qui ont surgi au cours de sa lecture. Cet ensemble de pratiques met en évidence son usage intensif des livres dans la construction de son propre savoir.
Cet ouvrage met donc en lumière différentes formes de production et de circulation des savoirs au 18e siècle. Écrit en allemand et publié en 1785, il a été traduit en français seulement deux ans plus tard et lu avec attention dans l’espoir d’améliorer la localisation et l’exploitation des ressources minérales.
Isabelle Laboulais, professeure d'histoire moderne à la Faculté des sciences historiques de l'Université de Strasbourg
Références
Ce texte s’inspire d'une notice rédigée par Isabelle Laboulais et publiée dans Trésors des Bibliothèques et Archives d’Alsace (Éditions La Nuée Bleue / Éditions du Quotidien, Strasbourg, 2017).