Ce Livre d’heures : d’après les manuscrits de la Bibliothèque royale est un témoin exceptionnel des innovations du 19e siècle, mais aussi du goût de l’époque. Observons d’abord son sujet : les pages dévoilent des textes liturgiques en latin et en français, et des enluminures imprimées selon le procédé de la chromolithographie, d’une qualité picturale exceptionnelle. Les textes et les enluminures seraient extraits de différents manuscrits de la Bibliothèque royale, qu’on appelle aujourd’hui la Bibliothèque nationale de France (elle porta le nom de Bibliothèque royale sous la Restauration, jusqu’en 1849). Le procédé utilisé ici est celui de la chromolithographie, inventée à Mulhouse par Godefroy Engelmann autour de 1837. Le colophon indique d’ailleurs "Ce livre fut commencé en décembre 1846 et terminé en septembre 1849 sous la direction et par les procédés chromolithographiques de MM. Engelmann et Graf à Paris d'après les dessins de MM. Aug. Ledoux, H. Soltau et Coffetier, exécuté sur pierre lithographique par Mr. H. Moulin."
L’ouvrage est d’une grande qualité, tant du point de vue des images que du livre en lui-même. Le papier est épais, filigrané, bien loin des papiers industriels, fabriqués à partir de pulpe de bois et contenant de la lignine (agent favorisant leur jaunissement avec le temps). L’ouvrage a été relié, afin de garantir sa solidité et sa tenue dans le temps : ses tranches ont été ébarbées (les aspérités des pages ont été ôtées pour présenter une tranche lisse) et dorées pour limiter les dépôts de poussière.
La reliure a été confiée à Léon Gruel, relieur parisien né en 1841, et est donc bien postérieure à la date d’édition du livre. Pourtant, le relieur a fait un réel effort de cohérence stylistique entre le contenu et le contenant, choisissant un décor d’inspiration médiévale. Ce n’est d’ailleurs pas le seul exemplaire de cet ouvrage qu’il a relié, toujours dans cette même inspiration stylistique.
Cet ouvrage est un digne représentant du goût pour l’histoire qui a marqué la première moitié du 19e siècle, qui s’est d’abord manifesté par un retour à une Antiquité classique puis à un Moyen-Âge gothique, tous deux fantasmés. Ce goût pour le Moyen-Âge resplendit dans tous les arts visuels et appliqués, mais aussi dans la littérature. N’est-ce pas quelques années plus tôt, en 1831, que Victor Hugo publie Notre-Dame de Paris ? Et quelques années plus tard, en 1857, que Napoléon III sollicite l’architecte Eugène Viollet-le-Duc pour restaurer le château de Pierrefonds, dans le pur style dit "troubadour" ? La peinture n’est d’ailleurs pas en reste : nombreux sont les peintres à avoir imaginé des scènes médiévales, basées sur des faits réels ou non : pensons à Paolo et Francesca ou à François Ier reçoit les derniers soupirs de Léonard de Vinci d’Ingres.
Il n’est donc pas étonnant de trouver, sorti des presses mulhousiennes d’Engelmann et Graff, un digne représentant du goût de l’époque pour un Moyen-Âge fantasmé, qui a été offert à la Société industrielle de Mulhouse.
Titre : Livre d’heures : d’après les manuscrits de la Bibliothèque royale
Autrice de la notice : Alice Caillé
Date d'édition : 1846-1849
Lieu de conservation : Learning Center de l'université de Haute-Alsace - BUSIM, BX 901